Quand le Hallescher FC célébrait ses buts sur un tube… venu d’une pub pour sextoys !

Avant d’opter pour une ambiance plus classique, le Hallescher FC a longtemps fait résonner dans son stade un hymne de but aussi entraînant qu’inattendu : Es rappelt im Karton, du duo Pixie Paris. Popularisée par une publicité pour sextoys, cette chanson a accompagné les buts du club pendant plusieurs saisons, devenant l’un des chapitres les plus insolites de son histoire récente.

🎵 De Rammstein à Pixie Paris : le virage inattendu du HFC

Jusqu’à la deuxième moitié des années 2010, le Hallescher FC, club emblématique de Halle (Saale), grande ville de 226 767 habitants et deuxième plus importante du Sachsen-Anhalt, célébrait ses buts sur “Feuer frei” du groupe Rammstein. Une chanson explosive, à l’image de la ferveur locale, qui symbolisait l’intensité du club et de ses supporters.

Mais ce choix musical, aussi fort soit-il, a fini par poser un problème d’image. “Feuer frei” est étroitement associée aux spectacles pyrotechniques de Rammstein, et la direction du HFC craignait que cette connotation “explosive” puisse un jour entraîner des remarques de la DFB (Fédération du Football Allemand), toujours attentif à la gestion de la pyrotechnie dans les stades outre-rhin.

Face à ce risque, le club a décidé de changer d’ambiance et de se mettre en quête d’un nouvel hymne de but, une décision loin d’être anodine pour les supporters. Dans le football allemand, le “Torhymne” (musique jouée après un but) est un marqueur fort d’identité : il incarne le plus souvent un lien entre le club, la ville et les fans.

C’est dans ce contexte qu’intervient Lutz Ossig, alors responsable de la musique au stade. En 2016, il tombe par hasard sur une publicité télévisée du site eis.de, spécialiste de la vente de jouets intimes. En fond sonore, une mélodie légère, rythmée et accrocheuse : Es rappelt im Karton.

Séduit par l’énergie du morceau et son refrain immédiatement reconnaissable, Ossig propose de l’essayer au stade après les buts du HFC. L’idée, improbable sur le papier, est testée lors d’un match… et remporte aussitôt l’adhésion du public.

💥 Une chanson pop devenue hymne

Le morceau Es rappelt im Karton est né en 2014 sous la plume du duo Pixie Paris, formé par la chanteuse belge Cindy Hennes et le musicien suisse Matthias Kräutli, qui s’étaient rencontrés dès 2003 à la Hochschule für Musik und Theater (Haute école de musique et de théâtre) d’Hamburg.

Leur univers est fait de pop électronique, de textes légers et refrains contagieux. Mais c’est en 2016 que le duo va connaître son heure de gloire, grâce à son utilisation inattendue dans une publicité d’eis.de, la célèbre boutique allemande de produits érotiques.

La campagne devient virale. La chanson, avec son rythme entraînant et son ton doublement suggestif, explose sur internet : la vidéo du clip cumule des millions de vues sur YouTube (7,8M à la date d’aujourd’hui), obtient un passage remarqué dans plusieurs émissions TV, une réédition du single par Sony Music, et une entrée à la 47ème place des charts allemands.

Pour le HFC, le clin d’œil était trop beau. Un titre plein d’énergie, déjà populaire dans toute l’Allemagne, et dont le refrain, Es rappelt im Karton, peut parfaitement évoquer les filets qui tremblent après un but. L’expression, que l’on peut traduire par « ça bouge dans la boîte » ou « ça fait du bruit dans le carton », possède en allemand cette connotation humoristique qui correspondait parfaitement au renouveau voulu par Lutz Ossig. Adoptée officiellement en avril 2016, la chanson devient le nouveau Torhymne du Hallescher FC en 3.Liga à ce moment là.

🔊 L’Erdgas Sportpark, théâtre d’une ambiance unique

Pendant neuf saisons, à chaque but marqué par le HFC à domicile, le refrain de Pixie Paris retentit alors dans les haut-parleurs du Erdgas Sportpark aujourd’hui Leuna-Chemie-Stadion). Le contraste entre la rigueur footballistique voulu par Halle et la légèreté de la chanson amuse même les médias.

En 2018, SportBild s’en était d’ailleurs amusé, décrivant le Hallescher FC comme « le club passé du rock dur de Rammstein au hit sexy de Pixie Paris« .

Dans les tribunes, le morceau est d’abord perçu comme une blague. Puis, avec le temps, il devient un véritable rituel et la chanson finit par devenir un élément identitaire du club.

🔴 La fin d’une époque : un choix assumé

Mais toutes les belles histoires ont une fin. Après neuf ans de service, Es rappelt im Karton a cessé de résonner à Halle à la fin de la saison 2024/25.

Plusieurs raisons expliquent cette décision. D’abord, une partie des supporters souhaitait tourner la page d’un hymne jugé “trop léger” ou “trop associé à la publicité”. Ensuite, le club voulait renouer avec une image plus traditionnelle, en phase avec ses racines régionales et la culture footballistique de l’ex Allemande de l’est.

Dès août 2024, la direction du HFC a donc lancé un appel à candidatures ouvert à la communauté : fans, groupes locaux et musiciens pouvaient proposer leur composition ou suggérer des titres. Le but était de trouver un nouvel hymne capable d’incarner la passion, la fidélité et la fierté du club.

Parmi les options testées, “Tarzan Boy” du groupe Baltimora a été brièvement utilisée en ce début de saison 2025/26. L’essai n’a pas convaincu : les réactions du public se sont révélées largement défavorables, poussant le club à mettre fin rapidement à cette tentative.

À ce jour, aucune nouvelle annonce officielle n’a été faite concernant le remplacement définitif du Torhymne.

⚽ Quand la musique raconte l’identité d’un club

L’histoire d »Es rappelt im Karton dépasse le simple cadre d’une anecdote amusante. Elle illustre également la relation unique qu’entretient le football allemand avec la musique, la culture populaire et les traditions locales.

Dans un championnat où chaque club cultive sa propre identité sonore, du “Cancan” du FC Bayern München à la techno de Wolfsburg en passant par le mythique « Ein Leben Lang » du FC Schalke 04, le Hallescher FC a marqué les esprits par son audace.

Choisir une chanson née d’une publicité pour sextoys, et la transformer en hymne de stade pendant neuf ans.. c’est un signe de confiance dans l’autodérision locale.

Le morceau a traversé les divisions, les saisons, les changements d’effectif et d’entraîneurs. Il a accompagné des victoires comme des défaites, des moments de tension et de fête. Pour toute une génération de supporters, il restera associé à une certaine période de l’histoire du Hallescher FC.