Depuis sa relégation en 2018, une première dans son histoire, le Hamburger SV a vécu un long purgatoire en 2.Bundesliga. Sept saisons durant, le mythique « Dino » a navigué entre espoirs déçus, crises d’identité, instabilité chronique et ambitions contrariées. Alors qu’un retour en Bundesliga est désormais à portée, retour sur une traversée du désert unique en Allemagne, où chaque saison a écrit un nouveau chapitre d’une résilience éprouvée, jusqu’à sceller enfin le retour du mythique HSV en Bundesliga.
🧨 2018, la chute du géant : quand l’histoire vacille
Le 12 mai 2018 a marqué un tournant dans l’histoire du football allemand. Ce jour-là, au coup de sifflet final du dernier match de la saison, le Hamburger SV n’était plus un club de Bundesliga. Après 55 années ininterrompues au plus haut niveau, le « Dino« , dernier survivant de l’élite originelle, basculait dans un monde inconnu : la 2.Bundesliga. Pour un club qui a remporté six Meisterschalen (trophée de la Bundesliga), une Ligue des champions (1983) et vu défiler des légendes comme Kevin Keegan, Uwe Seeler ou Felix Magath, cette chute avait tout d’un séisme. Mais ce choc n’était pas un accident isolé : il couronnait des années d’errance managériale, de recrutement hasardeux et d’absence de ligne directrice. Le club, gangréné par ses luttes internes, son conseil de surveillance tentaculaire et ses choix sportifs incohérents, payait une décennie de fuite en avant.

Dès l’été 2018, une question centrale surgissait : le HSV allait-il réussir là où tant d’autres clubs historiques avaient échoué, à savoir remonter immédiatement ? Le discours officiel était clair : objectif remontée immédiate, avec un effectif compétitif et un public fidèle. Pourtant, au fond, la blessure était plus profonde. La relégation n’avait pas seulement relégué le club sportivement : elle avait fissuré son identité.
🌀 Les premières années : un retour qui n’arrive jamais
La saison 2018-2019 aurait pu, aurait dû, être celle du rebond. L’effectif, jeune, encadré par des figures expérimentées comme Aaron Hunt ou Pierre-Michel Lasogga, semblait armé pour dominer la 2. Bundesliga. Et de fait, pendant plusieurs mois, le HSV a occupé les premières places. Mais au printemps, tout s’effondre. Trois défaites lors des quatre dernières journées, dont une à Paderborn et une à l’Union Berlin, font basculer le club à la 4ème place, à un point des barrages. Le scénario est cruel, mais il est aussi révélateur : cette équipe, jeune, brillante par séquences, manque de répondant dans les moments cruciaux. Déjà, le syndrome HSV se dessine : dominer pendant des mois, puis craquer sous pression au moment où tout se joue.
L’histoire se répète dès la saison suivante. En 2019-2020, sous Dieter Hecking, coach réputé pour sa rigueur et sa solidité, le club semble avoir appris de ses erreurs. L’équipe est séduisante, offensive, portée par un Sonny Kittel inspiré et un Martin Harnik expérimenté. Mais là encore, la constance fait défaut. En pleine pandémie de Covid-19, la saison est stoppée en mars puis reprise dans des conditions inédites. Le HSV, mal préparé mentalement et physiquement, s’effondre dans le sprint final et termine encore 4e. Le traumatisme s’installe. Deux saisons, deux quatrièmes places. L’impression de stagner devient palpable, d’autant plus que la concurrence (Stuttgart, Bielefeld, puis Bochum) affiche des projets plus structurés et cohérents.

🩹 Le poids des barrages : blessures ouvertes et malédiction en série
La saison 2020-2021 devait être celle du « c’est maintenant ou jamais ». Avec Daniel Thioune, jeune coach prometteur, et surtout Simon Terodde, le meilleur buteur de l’histoire de la 2.Bundesliga, le HSV mise tout sur l’efficacité. Terodde plante but sur but (24), l’équipe enchaîne les victoires. Mais une fois de plus, le mois d’avril est fatal. La défense s’effondre, l’équipe craque mentalement et glisse à la 4e place. Trois années de suite, trois tentatives avortées. Thioune est critiqué pour son manque de pragmatisme, sa gestion émotionnelle, et sa difficulté à créer une équipe qui résiste à la pression.
Le club prend alors un virage plus affirmé avec Tim Walter (2021-2023), partisan d’un jeu offensif assumé, de la possession et du risque. L’équipe devient spectaculaire, portée par le tandem Robert Glatzel – Ludovit Reis, mais reste fragile. En 2021-2022, le HSV arrache enfin la 3e place et affronte le Hertha Berlin en barrages. La victoire 1-0 à l’aller à l’Olympiastadion ravive l’espoir d’un retour tant attendu. Mais au retour, à domicile, l’équipe s’effondre (0-2), dans un Volksparkstadion silencieux. L’émotion est lourde. Ce match devient un traumatisme supplémentaire, comme si le club n’était plus capable de franchir l’ultime palier.
En 2022-2023, rebelote. Le HSV termine encore 3e, cette fois face à Stuttgart. L’aller est cauchemardesque (0-3). Au retour, malgré un but rapide, les Rothosen s’inclinent 1-3. Ce sont désormais cinq saisons sans promotion, avec un barrage cruel pour couronner chaque effort. Le mot « malédiction » n’est plus tabou.
🔄 Le cycle du doute : chaos interne et renaissance avortée
En 2023-2024, Tim Walter est maintenu, mais la pression est énorme. Le jeu reste séduisant par moments, mais les résultats sont irréguliers. En février 2024, le couperet tombe. Walter est remercié, et Steffen Baumgart, ancien entraîneur à succès du FC Köln, est appelé en pompier de service. Il insuffle une énergie nouvelle, mais ne parvient pas à relancer totalement le groupe. Le HSV termine encore 4e, malgré les performances de Glatzel et l’émergence de Jonas Meffert. Ce n’est pas un effondrement, mais ce n’est pas suffisant non plus. Le club semble usé par ses propres échecs, englué dans un éternel recommencement.
Ce constat soulève une interrogation de fond : le HSV est-il devenu prisonnier de son passé ? Chaque saison débute avec l’ambition du retour en Bundesliga. Mais cette pression constante, alimentée par l’histoire du club, devient un fardeau pour les joueurs, les entraîneurs, et même le public. Le spectre de 2018, loin de s’effacer, s’incruste dans chaque fin de saison.
✨ 2024-2025 : la réinvention Polzin, ou le retour du romantisme
Et c’est là que l’histoire prend un virage inattendu. En novembre 2024, après une nouvelle période d’instabilité, Merlin Polzin est nommé entraîneur principal. Âgé de 34 ans, sans expérience à ce poste, ce fils d’Hamburg est d’abord vu comme un choix par défaut. Mais en quelques semaines, tout change. Polzin impose un discours simple, humain, aligné avec les valeurs du club. Il apaise le vestiaire, clarifie les rôles, simplifie le jeu. Il ne cherche pas à révolutionner, mais à fédérer.

L’effet est immédiat. Davie Selke, recruté gratuitement en provenance de Köln, devient le symbole de cette métamorphose. Longtemps moqué pour son irrégularité, Selke explose sous Polzin : buteur, leader vocal, exemplaire. Avec l’aide de jeunes prometteurs comme Otto Stange, et malgré la blessure de Glatzel, il maintient le HSV en course.
🧠 Ce que ces années ont vraiment révélé
Ce long exil a transformé le HSV. Il a appris, dans la douleur, qu’à l’instar d’un FC Girondins de Bordeaux, par exemple, l’histoire ne protège de rien. Que le nom, le stade ou le palmarès n’empêchent ni les erreurs, ni les chutes. Mais il a aussi découvert la valeur du temps long, de la patience et de la construction. Les années Polzin-Selke marquent peut-être un nouveau cycle : celui d’un club qui n’a plus peur de son passé, et qui regarde enfin vers l’avant.
Pour réussir ce retour, le club devra éviter les erreurs du passé : ne pas brûler Polzin, ne pas recruter par réflexe ou par pression, intégrer les jeunes avec méthode, et surtout, construire une équipe capable de résister aux tempêtes mentales de la Bundesliga. L’exemple de l’Eintracht Frankfurt ou de l’Union Berlin, bâtis lentement, peut servir de feuille de route.
🦖 Le Dino n’est pas mort, il s’est transformé

Le Hamburger SV a survécu. À sa chute. À ses échecs. À ses propres démons. Il n’est plus le club arrogant du début des années 2010, ni celui qui s’accrochait désespérément à l’élite. Il est aujourd’hui une entité blessée, mais lucide. Un dinosaure endormi, qui semble enfin prêt à rugir à nouveau. Le HSV ist wieder da !
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Crédit photo : Dean Mouhtaropoulos/Getty Images